Changer une habitude de vie n’a rien de facile. Que l’objectif soit de manger plus de légumes chaque jour, méditer 3 fois par semaine ou simplement emprunter l’escalier au bureau, le processus du changement demeure le même. Il demande du temps, de l’énergie, de la volonté et de la motivation.
Comment se fait-il que notre voisine réussisse son virage santé alors que nous peinons à marcher 15 minutes quotidiennement? A-t-elle un secret? Existe-t-il une méthode pour atteindre nos objectifs de mieux-être et de santé? Peut-être bien…
De nombreux professionnels de la santé spécialisés dans l’adoption de saines habitudes de vie utilisent dans leur pratique le modèle de changement transthéorique. Il a été rapporté que la connaissance de ce modèle par une personne améliore ses chances de réussir et d’intégrer un changement positif et définitif dans sa vie.
Le modèle de changement transthéorique
Ce modèle, né dans les années 80, est divisé en 6 stades principaux.
1. Préréflexion (ou précontemplation). Il s’agit du stade dans lequel une personne ne veut pas changer son habitude de vie. Elle n’a pas conscience du problème ou du besoin. Elle ne démontre pas d’intention de changement et offre une résistance.
Ex. : Je n’ai pas besoin de changer mon alimentation, je suis bien comme ça.
2. Réflexion. À ce stade, la personne réalise qu’il y a un problème ou un besoin. Il y a prise de conscience des avantages et des bienfaits potentiels d’un changement et la personne songe à passer à l’action. C’est une période de doutes, d’hésitation et d’ambivalence où la personne ne se sent pas encore prête à poser des gestes concrets.
Ex. : Je me sentirais sûrement mieux si je mangeais moins de malbouffe et plus de légumes.
3. Préparation. Durant cette phase, la personne est convaincue des bienfaits du changement qu’elle juge désormais incontournable. Elle est consciente des efforts qu’elle devra déployer pour modifier cette habitude. C’est l’étape du plan stratégique avec identification des actions à poser, des défis à relever et des échéances. Quelques petites actions concrètes sont mises en œuvre en vue de préparer le changement. La date est fixée.
Ex. : Je suis prêt à améliorer mon alimentation, car je sais que je vais me sentir plus en forme et que je serai moins souvent malade. J’emprunte un livre de recettes santé et je fais quelques recherches sur le web pour dresser un nouveau menu hebdomadaire.
4. Action. Il s’agit de l’étape de l’exécution du plan. La personne pose les gestes concrets prévus dans le plan d’action. Il est parfois préférable de modifier l’environnement pour faciliter la transition. À cette étape, il est indispensable que la personne révise ses croyances et adopte une attitude positive.
Ex. : Je fais le ménage de mon garde-manger et jette les produits malsains. Je vais à l’épicerie avec ma liste pour acheter des légumes, des fruits et d’autres produits frais et sains pour réaliser mes recettes.
5. Maintien ou stabilisation. Le changement apporté doit être maintenu plus de 6 mois avant d’être vraiment intégré. La rechute doit être envisagée et un plan doit être mis en place au cas où l’échec adviendrait. Un obstacle, un défi ou un changement important dans la vie de la personne peut mener à l’échec du changement (deuil, maladie, accident, finances, etc.).
Ex. : Voilà maintenant 3 mois que je mange plus sainement. Mais le décès de ma sœur a tout chamboulé. Je suis retombé dans mes vieilles habitudes.
6. Conclusion ou rechute. Il est très fréquent de subir un échec lors de l’adoption d’un nouveau comportement, il s’agit presque d’une étape cruciale du processus. La personne doit refaire le cycle, parfois à plusieurs reprises, avant de conclure le changement pour de bon. La reprise du cycle se fait généralement plus rapidement et la personne peut apprendre de ses erreurs.
Ex. : Ce n’est pas grave d’avoir chuté, je me ressaisis. Je me remémore les raisons qui m’ont poussé à changer et ressors mon livre de recettes. Pas question de tomber dans la culpabilité ou l’anxiété. Tout le monde fait des erreurs et j’apprendrai de mon expérience.
Comment profiter de vos nouvelles connaissances?
Chanceux que vous êtes, vous connaissez désormais ce modèle et avez donc de meilleures chances de réussir le changement que vous souhaitez apporter dans votre vie. Toutes les étapes du modèle de changement transthéorique doivent être franchies dans l’ordre, mais il se peut que vous régressiez en cours de route. Soyez sans crainte, c’est tout à fait normal, cela fait même partie du processus.
Évaluez d’abord votre situation : à quel stade êtes-vous? Si vous lisez ce texte, il est fort probable que vous ayez outrepassé l’étape de préréflexion et que vous êtes au stade de réflexion ou encore de préparation. Voici quelles tâches doivent être accomplies afin de passer d’une étape à l’autre.
• De la préréflexion à la réflexion. Vous devez vous informer, auprès de votre entourage, sur le web, dans un documentaire ou un livre, à une conférence, etc. Pourquoi apporter ce changement? Quels sont les bienfaits pour la santé? Quels sont les avantages du changement et les désavantages du statu quo? Il est primordial d’accepter votre responsabilité de ce changement (personne ne peut le faire pour vous).
• De la réflexion à la préparation. Il est temps de voir les avantages comparativement aux désavantages du changement, de mesurer les efforts et le temps requis pour réaliser ce changement. C’est le moment de prendre la décision : vous signez un contrat avec vous-même. Parlez-en à votre entourage afin de concrétiser la décision et de bénéficier du soutien de vos proches.
• De la préparation à l’action. Les objectifs doivent être clairs et réalistes, les étapes du plan doivent être bien définies. Établissez vos priorités et dégagez votre horaire pour laisser place au nouveau changement. Apportez les modifications nécessaires à votre environnement avant de passer à l’action.
• De l’action au maintien. Ici, vous aurez besoin de temps et d’énergie. Le changement sera probablement plus difficile au début, mais les choses couleront plus facilement avec le temps. Pour maintenir votre changement, vous devrez modifier vos patrons de pensées, ceux qui vous tenaient prisonniers de votre ancienne habitude. Encouragez-vous, soyez indulgent envers vous-même et n’hésitez pas à demander le soutien de votre entourage.
• Du maintien vers la conclusion. Ici, il est important d’anticiper la rechute, d’établir le plan de relance. Vous devrez peut-être refaire toutes les étapes. Ne voyez pas ça comme un échec et, surtout, restez confiant dans vos capacités.
Le secret de la réussite
Les chercheurs se penchent sur cette question depuis longtemps. Si nous avions une réponse toute faite, les compagnies de tabac feraient beaucoup moins de profits. Mais la science, et surtout l’expérience des gens qui ont réussi, apporte tout de même quelques réponses. Voici nos meilleures astuces.
• Choisir un objectif en accord avec ses valeurs et ses goûts. Le plus important : faites-le pour vous. Si vous entreprenez votre changement avec du ressentiment, des restrictions ou en subissant le contrôle de quelqu’un d’autre, vous ne pourrez pas mettre en œuvre ce qui est nécessaire à sa réussite. À quel point êtes-vous prêt à faire CE changement? Si vous vous inscrivez à une session de Zumba pour bouger davantage et accompagner une amie, mais que vous n’aimez pas danser, il y a peu de chance que vous en ressortiez gagnant.
• L’autocompassion. Il a été démontré que l’autocompassion était positivement associée aux comportements prônant la santé et négativement liée aux symptômes physiques. L’autocompassion privilégie la gentillesse envers soi plutôt que le jugement, l’humanité plutôt que l’isolement et la pleine conscience plutôt que la suridentification. En d’autres mots, vous devez cesser de vous critiquer sévèrement et choisir d’être indulgent envers vous-même, connectez-vous aux expériences humaines des autres en évitant l’indifférence, puis apprenez à reconnaître et vivre vos émotions, plutôt que de les réprimer, les attacher ou les ruminer.
• Prenez le temps de visualiser et d’écrire ce que vous voulez vraiment. Si vous souhaitez, par exemple, devenir une version améliorée de vous-même, en meilleure santé et mieux dans votre peau, fermez les yeux quelques secondes pour vous imaginer. Vous pouvez ensuite écrire ce que vous voyez ou fabriquer un tableau de visualisation, selon vos aptitudes et vos goûts. Garder en tête cet objectif ultime, vous pourrez vous y rapporter dans les moments difficiles. Intégrez la notion du long chemin parsemé d’embûches. Chaque changement que vous ferez, un à la fois, vous mènera plus près de ce rêve. Et vous récolterez les bienfaits tout au long du processus, pas seulement à l’arrivée.
• Reprogrammer sa notion de plaisir. Les mauvaises habitudes de vie sont souvent liées au plaisir, particulièrement lorsque ces habitudes sont devenues des dépendances. Les mécanismes de récompenses sont activés dans le cerveau, ce qui entraîne ledit plaisir, éphémère la plupart du temps.
Exemples : fumer une cigarette, prendre de la cocaïne, boire de l’alcool, manger des sucreries ou de la malbouffe, etc. Ces mécanismes de récompense deviennent inactifs lorsqu’ils sont privés de leur déclencheur, du moins au début.
Ce sont les moments les plus difficiles liés au changement. Le plaisir sera au plus bas. Mais à chaque renoncement de cette mauvaise habitude que vous ferez, vous vous rapprocherez d’un plaisir plus sain. Jusqu’au jour où vous aurez vaincu la dépendance et créé de nouveaux patrons de récompense dans votre cerveau.
Le plaisir que vous apportait jadis une cigarette sera désormais obtenu par une l’exécution d’une activité physique, par exemple.
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Références
Prochaska et coll., « The transtheoretical model of health behavior change », American Journal of Health Promotion, septembre-octobre 1997, 12:1, p. 23-48.
Prochaska, DiClemente et Norcross, « In search of how people change. Applications to addictive behaviors », American Psychology, septembre 1992, 47(9), p. 1102-1114.
Dunne et coll., « Brief report: Self-compassion, physical health and the mediating role of health-promoting behaviours », Journal of Health Psychology, publié en ligne en avril 2016. https://doi.org/10.1177/1359105316643377