Les fitness trackers, ou moniteurs d’activité, sont plus populaires que jamais. Fitbit, Apple, Garmin et Polar l’ont compris. Mais devrait-on se fier aux données recueillies par ces appareils? Ces dispositifs sont-ils efficaces pour aider à perdre du poids? Présentent-ils des risques?
Vous êtes au gym, sur votre vélo stationnaire, et jetez un œil autour de vous : vos voisins regardent leur montre toutes les 30 secondes. Sont-ils si empressés de terminer leur entraînement? Eh non! Ils consultent tous leurs statistiques biométriques en temps réel : nombre de calories dépensées, nombre de pas effectués au cours de la journée, rythme cardiaque. Le soir venu, bon nombre d’entre eux analyseront aussi la qualité de leur sommeil grâce à leur appareil.
Le grand public s’est rapidement approprié le fitness tracker pour son usage personnel. Les professionnels de la santé et du sport, l’armée et même les compagnies d’assurance ont aussi recours à ces appareils. Pas étonnant que l’industrie propose des dizaines de modèles, toujours plus complexes.
Doit-on se fier aux données affichées?
Comment savoir si les chiffres indiqués par votre Fitbit sont les bons? La question est excellente, mais la réponse n’est pas si claire. Même si de nombreux chercheurs ont tenté d’évaluer la précision des moniteurs d’activité, les résultats sont plus ou moins convaincants. D’abord parce que les méthodes d’analyse diffèrent d’une étude à l’autre, mais surtout parce que la durée des recherches est si longue que les modèles étudiés sont dépassés et remplacés par une nouvelle version.
Somme toute, certaines conclusions peuvent être tirées de ces dizaines de recherches. Selon une étude publiée en 2018 dans l’International Journal of Exercise Science (1), la plupart des moniteurs d’activité perdent leur précision lorsque l’activité physique s’intensifie. C’est donc dire que les données affichées au cours de la journée (moments plus sédentaires) sont assez valides, mais cette validité décline dans le cadre d’un exercice physique plus intense. Ainsi, les données concernant le nombre de pas sont les plus précises, celles concernant l’énergie dépensée (calories) et le sommeil le sont moins.
La gamme de produits de la marque Fitbit semblait démontrer une plus grande validité, mais tout comme les autres modèles, cette précision faiblit en fonction de l’intensité de l’activité. Ces résultats sont assez décevants pour le moment, mais la technologie évoluant si rapidement, ces faits pourraient s’avérer chose du passé d’ici quelques années, peut-être même quelques mois.
Motivation, volume d’activité et perte de poids
Des études ont démontré que l’utilisation d’un fitness tracker pouvait augmenter la motivation à faire de l’activité physique. L’atteinte d’un objectif fixé ou l’idée de se dépasser d’une journée à l’autre peut en effet motiver une personne à bouger davantage en choisissant le déplacement plutôt que le courriel, l’escalier plutôt que l’ascenseur, le vélo plutôt que l’autobus. L’aspect social des moniteurs d’activité peut aussi contribuer à la motivation de l’usager. Comparer ses données avec celles de ses amis sur les réseaux sociaux peut pousser certaines personnes à se dépasser.
Comme les gens sont plus motivés et qu’ils ont un plus grand volume d’activité physique, ils ont plus de facilité à perdre du poids. Certaines études ont démontré que ce type d’appareil était parfois plus efficace que des plans d’amaigrissement en ligne ou qu’un suivi médical. La raison étant que ces personnes sont en contact permanent avec leur moniteur d’activité.
D’autres chercheurs ont conclu l’inverse. Les moniteurs d’activité peuvent ne pas offrir d’avantages comparativement aux approches comportementales de perte de poids conventionnelles. Et un objectif trop élevé peut rapidement avoir l’effet inverse. Les 10 000 pas par jour ne sont pas accessibles à tous.
Le côté obscur du monitorage
Mais malgré l’effet de motivation généralement remarqué, la vie n’est pas toujours rose. Il arrive souvent que le moniteur d’activité devienne un obstacle à l’activité physique et à la perte de poids, particulièrement à long terme. Lorsqu’on s’engage dans un nouveau plan d’entraînement, les résultats sont généralement spectaculaires au cours des premières semaines. Mais au bout de quelque temps, on peut atteindre un certain plateau, autant au niveau des calories brûlées par l’entraînement que les kilos perdus, ce qui peut rapidement devenir démotivant.
L’état de santé et la condition physique ne se résument pas au nombre de calories ni au rythme cardiaque. Il s’agit d’un ensemble de facteurs, incluant le sentiment de bien-être, la capacité de gestion de stress, l’endurance, la flexibilité. Un moniteur d’activité ne vous donne pas un aperçu sur votre souplesse ou encore sur la force que vous avez gagnée.
Et les risques dans tout ça?
Le médecin holistique américain Andrew Weil a répondu à un lecteur qui se posait des questions sur les risques associés à la technologie portable. Dans son article, il mentionne que son inquiétude majeure concernant ces dispositifs est leur propension à générer de l’anxiété, particulièrement chez les personnes ayant des troubles alimentaires et ceux qui prônent l’exercice excessif.
Dr Weil rapporte aussi avoir quelques craintes au sujet des ondes électromagnétiques émises par les moniteurs d’activité. Il y cite l’épidémiologiste Devra Davis : « Le manque de preuves scientifiques sur la nocivité n’est pas une preuve de sécurité. » (traduction libre) En gros, ce n’est pas parce que les recherches n’ont pas prouvé que les moniteurs d’activité sont nuisibles à la santé qu’ils sont nécessairement sécuritaires. La radiation émise par ces appareils est similaire, mais de plus faible amplitude, à celles des téléphones cellulaires classées comme « potentiellement cancérigènes pour l’homme » par l’Agence sur la recherche du cancer de l’Organisation mondiale de la santé.
Devra Davis recommande d’ailleurs de retirer le dispositif de son poignet au moment d’aller au lit, car le cerveau pourrait être exposé à des ondes de basses fréquences lorsque la main se trouve près de la tête. Ces ondes peuvent perturber le sommeil et occasionner de la fatigue, de la somnolence, une perte d’énergie et même une prise de poids. Durant le jour, l’épidémiologiste mentionne qu’il est préférable d’opter pour un appareil qui se porte au poignet plutôt qu’une bande à la poitrine afin de l’éloigner autant que possible du cerveau.
Les ondes électromagnétiques sont déjà omniprésentes dans notre environnement. Choisir de faire une activité en plein air (sans monitorage) permet de donner une pause à notre corps. Ces moments sont plutôt rares de nos jours.
L’objectif du sport n’est-il pas aussi de réduire le stress, d’évacuer les tensions et d’avoir du plaisir?
Les fitness trackers ont peut-être des avantages, mais ils entraînent une rationalisation de l’exercice qui a, au bout du compte, tout l’effet contraire en générant du stress, de l’anxiété et une diminution du plaisir.
Si vous aviez prévu d’offrir un moniteur d’activité à un proche, pourquoi ne pas opter plutôt pour un abonnement au gym, pour une inscription à un cours de groupe ou encore pour un accès à une plate-forme d’entraînement en ligne?
Références
1. BUNN, et coll. « Current State of Commercial Wearable Technology in Physical Activity Monitoring 2015-2017 », International Journal of Exercice Science, février 2018, vol. 11, no 5, p. 503-515.
2. https://www.drweil.com/health-wellness/balanced-living/exercise-fitness/how-safe-are-fitness-trackers/ , consulté le 5 mars 2018.
3. EUAN, Ashley, et coll. « Accuracy in Wrist-Worn, Sensor-Based Measurements of Heart Rate and Energy Expenditure in a Diverse Cohort », Journal of Personalized Medicine, 24 mai 2017.
4. SPENCE, Des et Itifat HUSAIN. « Can healthy people benefit from health apps » BMJ, 8 mai 2015.
5. JAKICIC, J.M., et coll.. « Effect of Wearable Technology Combined With a Lifestyle Intervention on Long-term Weight Loss, The IDEA Randomized Clinical Trial », JAMA, 2016, vol. 316, no 11, p. 1161–1171.
6. EVENSON, K.R., et coll. « Systematic review of the validity and reliability of consumer-wearable activity trackers », The International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity, 2015.
7. WALKER, et coll. « Advantages and Limitations of Activity Trackers », Clinical Journal of Oncology Nursing, vol. 20, no 6.
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